L’INTERNAT DE CHELLES PAR LORILLARD, UNE CONCEPTION TECHNIQUE REMARQUABLE POUR UN GESTE ARCHITECTURAL D’EXCEPTION
À CHARTRES, 12/2019
Construire un internat n’est jamais chose banale, ce type de bâtiment s’inscrivant dans la catégorie des ERP à savoir des établissements recevant du public et soumis, pour la sécurité de chacun, à des contraintes réglementaires très strictes, s’imposant au moment de la construction et au cours de l’exploitation.
Dans le cas spécifique de l’internat de Chelles, la complexité du chantier dépasse le cadre de cette seule réglementation et s’exprime autant dans la conception architecturale que dans la conception-fabrication et conduite du chantier. Retour sur un chantier qui a commencé en mai 2018 !
Un projet d’internat unique et magnifié par le geste architectural
Démarrés en mai 2018, les travaux de construction de l’internat seront finalisés en mars 2020. Le chantier pourrait sembler long, à qui pense l’internat sous sa forme classique : un bâtiment accueillant à dimension fonctionnelle et courante.
Mais c’est sans compter l’intervention de l’architecte Pascale GUEDOT (équerre d’argent 2010) qui, en la matière, a fait le choix d’un parti pris rare et singulier. Sa conception porte l’empreinte d’un design aux influences nord européennes, tenant plus du bâtiment de luxe que de l’internat fonctionnel, soit, un geste architectural d’ampleur.
Construit en 1965, le lycée Gaston-Bachelard occupe un terrain de 90 000 m² accueillant également le lycée Louis-Lumière.
Il se compose de 3 espaces articulés autour du noyau des accès, et de 2 patios rectangulaires formant ainsi un U. Relié par des passerelles créant jonction entre les 2 bâtiments, l’internat a donc été conçu comme un ensemble de 3 bâtiments connectés.
L’objectif initial était d’accroître le nombre de places pour accueillir au total 150 lits. A cela, s’ajoutait la contrainte supplémentaire, propre aux établissements de sommeil, intégrant la cohabitation d’enfants mineurs et d’enfants majeurs devant être séparés. L’internat a donc été pensé comme scindé en deux parties : 3 bâtiments dont un à deux niveaux (RDC + 1er étage) et 2 bâtiments (RDC + 2 étages).
Répartis dans des chambres à 1 ou 3 lits (une chambre individuelle pour les majeurs et une chambre jusqu’à 3 lits pour les mineurs), chaque interne disposera d’un espace de couchage et d’un espace de travail. Six chambres sont prévues pour les surveillants ainsi qu’un logement de fonction.
Les chambres seront équipées de châssis bois et de stores extérieurs afin d’assurer une continuité avec les façades du bâtiment d’enseignement.
Lorsque façade en béton et fenêtres masquent la complexité
Atteindre l’épure n’est pas simple. Quand on regarde le bâtiment finalisé, on ne perçoit pas la complexité technique, car tout a été soigneusement dissimulé.
Les difficultés répondant aux normes ERP – traitement de réactions au feu – s’effacent derrière l’aspect homogène et harmonieux du bâtiment : face à cette façade épurée, l’interrogation du complexe n’émerge pas, face aux parties vitrées et panneaux, on se demande où sont les ouvrants ?
Ainsi, en posant les yeux sur la façade de l’internat de Chelles, l’impression première est celle de lignes pures et d’une seule surface mêlant 3 matériaux, le béton, le bois et le verre, qui semblent se fondre. La façade en béton et les fenêtres constituent donc l’élément architectural principal du bâtiment.
La partie pleine en mélèze et la partie vitrée, intégrées au béton, indiquent le code architectural qui joue sur une inversion.
Ici, pas de garde-corps, puisque c’est le vitrage qui se fait garde-corps plein et entier, un vitrage fixe tout en hauteur et qui touche le sol, pour donner une impression de vide.
L’habillage des façades se compose de panneaux préfabriqués en béton architectonique de teinte gris clair et de bardage en bois de mélèze. Cette construction a nécessité une surface de menuiserie très conséquente à haute isolation thermique.
De l’extérieur, la façade porte une couleur béton brut et un veinage de coffrages de dimensions différentes, le tout rythmé par des bandeaux horizontaux filant tout autour, à chaque niveau. Entre béton et coffrages se déploient de petits poteaux béton (370 en vertical).
De l’intérieur, un ébrasement en bois vient encadrer la menuiserie et tout recouvrir.
Le tout, menuisé, présente donc le même aspect esthétique harmonieux : ventilations, stores, milliers de coffres étanches à dimension variée, tout est caché, au service d’une esthétique épurée.
Cette épure esthétique relève pourtant d’un caractère complexe d’ouvrages composés, longuement conceptualisés en bureau d’études : un temps d’étude incompressible pour une finition parfaite et assurer une sécurité optimum des internes.
Ainsi, de l’intérieur, ne perçoit-on que la partie vitrée ou la partie qui s’ouvre, mais rien d’autre : tout le reste est dissimulé par du placo et aucun store n’est
visible.
Pour réaliser cette prouesse technique, il a fallu penser les menuiseries pour que les parties pleines ouvrantes et fixes se confondent. Dans ce cas précis, la partie ouvrante n’est pas la partie vitrée : les parties ouvrantes sont pleines et les parties vitrées sont fixes.
Panneau et découpe sont réalisés dans la même plaque, seul est perceptible le trait de la scie. La partie ouvrante (découpée dans le panneau) et le veinage s’alignent parfaitement pour que le tout paraisse plein et fixe.
Tous les bois sont en mélèze naturel et l’ébrasement, de même teinte, vient récupérer le doublage.
Au-dessus de cet ébrasement, le coffre (portant propriétés aérauliques) et la ventilation, sont cachés dans le doublage. De même, le store descendant devant la partie fixe côté intérieur, est rendu invisible.
Une technicité dépassant le sur-mesure
Toute la difficulté posée au bureau d’étude de Lorillard était donc de cacher la complexité
technique et de rendre invisible le savoir-faire : pas d’habillage ni champ plat, ajout de joints creux, placo rencontrant la menuiserie avec une infinie précision, construction spécifique de porte bois, couronnes ERP particulières, châssis coulissants sur mesure atteignant des dimensions de 10 mètres de long pour correspondre aux plans hors standard, conception de profils spécifiques et d’assemblage, création d’ouvrants pompiers plus larges avec des systèmes de poignée ouvrant dans les deux sens, et systèmes de libération instantanée des serrures en cas d’alarme incendie etc.…
Chaque pièce, de dimension différente, a été minutieusement pensée et dessinée en bureau
d’étude, travaillée au millimètre près : un défi pour le bureau d’études et l’atelier de produire des menuiseries hors standard signées Lorillard !
Tout ce travail préparatif colossal représente des mois d’étude et de phasage avec l’architecte, pour arriver à ce que tout s’assemble à la perfection, en respectant les plans originaux.
Pour les équipes de Lorillard, il ne s’agissait pas seulement de réaliser de simples fenêtres mais plutôt de répondre aux exigences singulières de Pascale
Guédot.
Chaque fenêtre standard a donc été totalement rhabillée en usine, pour que tout soit à fleur et paraisse aligné comme le voulait l’architecte : un préfabriqué d’usine à simplement déposer sur le chantier et s’emboîtant au millimètre sur place.
Ces réalisations multiples dépassent l’idée que l’on peut se faire du sur-mesure. Cloison en béton pour ouvrage de 160/180, cloisons différenciées pour que l’ébrasement s’ajuste au bâtiment, pré-construction des poteaux, calcul thermique de panneaux, laine de roche, tasseaux servant aux alignements, bavettes aluminium, créments particuliers, systèmes à levage, tout a été assemblé ou découpé en usine.
De même, tous les produits annexes propres à la fenêtre (quincaillerie, systèmes de verrouillage, bardage…) ont été répertoriés et assemblés en atelier afin que celle-ci puisse être livrée préassemblée. Conçus en usine, les panneaux de bois préfabriqués ont également permis un gain de temps considérable au moment de la pose. Car ces créations ont aussi nécessité une mise en œuvre particulière, complexe et délicate, ajustement et finition ne pouvant se faire que sur place.
De la prouesse technique en atelier à la prouesse technique de la pose
Tous les éléments réalisés pour ce chantier s’avérant hors standard, le bureau d’étude a dû développer un système industriel spécifique pour l’approvisionnement et le montage dans la conduite des travaux soit : un concept industriel unique et propre à ce chantier, s’adaptant aux dimensions des ouvrages prémontés en atelier et ce, pour éviter la création d’un atelier sur place.
Pour acheminer ces ensembles inhabituels par leur dimension et leur poids (exp : fenêtre de 2m30 par 2m30 pour 250 à 300 kilos), et permettre leur installation dans les meilleures conditions tout en assurant un nombre maximum de poses en une seule et même journée, le bureau d’étude a conçu et fabriqué des échafaudages et un chariot, spécifiquement adaptés
au chantier.
Les ensembles-fenêtres, non manœuvrables à la main, furent préalablement parés d’anneaux en acier, afin d’être livrés à l’aide d’une grue. Par ailleurs, ne pouvant pas passer par les entrées en béton, les fenêtres étaient transportées sur le chariot qui permettait de les incliner à 45 degrés, afin d’être passées en diagonale par les ouvertures. Puis elles étaient acheminées à l’intérieur du bâtiment, et descendues le long d’une rampe en bois, au bon niveau, en face de leur baie.
Les fenêtres étaient alors redressées, par le biais d’un vérin préalablement fixé sur le chariot, permettant une pose avec des réglages en hauteur différenciés. La fenêtre n’avait plus alors qu’à être vissée !
Avec ce chantier, Lorillard est allé au-delà du sur-mesure, en livrant une réponse industrielle technique parfaite à un geste architectural créatif et exigent.
C’est le propre du génie des choses simples en apparence, qui sont vues comme simples car leur complexité est masquée. Les élèves de l’internat du lycée Gaston Bachelard pourront dormir sur leurs deux oreilles !
L’internat en quelques chiffres … Fiche technique
En l’état actuel (soit à 80% de la réalisation du chantier – à fin octobre 2019). 137 plans ou carnets de plan mobilisant le bureau d’études pendant 3100 heures . 1700 heures de travail pour le conducteur des travaux. 450 heures pour le chef de chantier. 3 736 heures pour la société de pose.
Au final :
287 ensembles menuisés.
17 blocs portes extérieures.
Un ensemble de hall mur rideau en bois mélèze.
172m² de plafond bois.
125 m² de bardage vertical en tasseaux de bois mélèze.
Ensemble blocs intérieurs et toisons vitrées coupe-feu et pare flamme.
144 stores occultant électriques radio pour les chambres.
51 stores solaires pour les parties communes (salles communes, foyers, salles de travail etc.).
100m² d’habillage mural de hall en mélèze.
1300 mètres linéaires d’ébrasements intérieurs en périphérie des fenêtres.
Financement : région Ile de France.
Architecte : Pascale Guédot (équerre d’argent 2010)
Montant des travaux : 1 million 609 euros HT
A propos du Groupe Lorillard :
Fondé en 1936 à Chartres et présidé par Thierry Luce, le Groupe LORILLARD figure parmi les leaders français de la menuiserie industrielle sur-mesure. Première entreprise indépendante du secteur, LORILLARD couvre l’ensemble du marché de la fenêtre et maîtrise la fabrication de ses produits grâce à un pôle industriel intégré. Elle est actuellement l’une des seules entreprises à décliner son offre dans quatre matériaux : bois, PVC, aluminium et mixte.
Chiffres-clés : 940 collaborateurs – chiffre d’affaires 2018 : 160 millions d’euros – production annuelle : 1 100 menuiseries par jour – 200 logements équipés ou rénovés par jour. www.lorillard.fr