WOODRISE 2023 – Regard d’expert sur la construction bois & les stratégies publiques d’aménagement des territoires : Valérie Lasek – Directrice générale de l’EPA Bordeaux Euratlantique
À l’occasion de sa 4ème édition, qui se tiendra en France du 17 au 20 octobre prochains, au Palais 2 l’Atlantique de Bordeaux, WOODRISE, le congrès international du bâtiment bois moyenne et grande hauteur, poursuit sa série d’échanges avec des experts de différents horizons, autour de la construction bois.
Valérie Lasek, Directrice générale de l’Établissement Public d’Aménagement Bordeaux Euratlantique, a répondu aux questions des organisateurs du congrès. Au programme : la construction bois de moyenne et grande hauteur dans les politiques publiques d’aménagement des territoires.
Valérie Lasek ©Stanislas Ledoux
Comment vous inscrivez-vous dans une stratégie publique en faveur de la construction bois ?
En matière de mutation urbaine et aménagement du territoire, la trajectoire carbone constitue l’un des principaux fils conducteurs des politiques publiques. Les objectifs fixés de neutralité carbone en 2050 obligent l’ensemble de la chaine des acteurs de l’aménagement, de la construction, de l’immobilier et des acteurs publics.
Nous devons tous nous mobiliser pour concevoir ensemble des bâtiments, quartiers et villes permettant d’atteindre ces objectifs. La construction bois constitue en cela une réponse pertinente. Et pour cause, ses atouts sont nombreux : réduction de l’empreinte carbone, de la pression sur les ressources en eau et en sable, des nuisances chantiers, augmentation du confort dans l’habitat et au sein des espaces publics, etc.
L’EPA Bordeaux Euratlantique, sur son Opération d’Intérêt National de 738 hectares sur les communes de Bordeaux, Bègles et Floirac, a donc, dès 2015, placé la construction bois, quelle que soit la hauteur des bâtiments, au cœur de sa stratégie d’aménagement.
En tant qu’aménageur, notre responsabilité est en effet fondamentale, nos choix et prescriptions essentiels pour la ville de demain, comme pour les filières locales : nous agissons dans une logique d’expérimentation, de démonstration et de progrès pour contribuer, in fine, à étendre et démocratiser la construction bois de moyenne et grande hauteur.
C’est dans cette dynamique que nous avons décidé de renforcer et accélérer notre stratégie en 2020, en fixant un objectif de construction bois majoritaire pour l’ensemble des projets immobiliers engagés au sein du périmètre de l’OIN Bordeaux Euratlantique.
En huit ans, quels freins avez-vous dû lever, quels résultats avez-vous obtenus ?
La construction bois de moyenne et grande hauteur est techniquement complexe et demande une mobilisation sur des chantiers totalement réinventés : nouveaux types de conception en BIM, travail sur des structures mixtes impliquant de nouvelles compétences et la coordination entre corps de métiers, etc. La filière de la construction doit s’adapter à ces nouveaux défis et réinvestir l’interdisciplinarité et la transversalité.
D’autant qu’au-delà de la dimension technique, la construction bois doit composer avec un certain nombre de freins :
- Socio-culturel avec une appréciation du risque incendie spécifique s’agissant du bois, la question de la gestion durable du matériau et des forêts, etc.
- Réglementaire avec un cadre aujourd’hui basé sur des matériaux incombustibles comme le béton, cadre qu’il conviendrait de faire évoluer pour l’adapter plus précisément aux caractéristiques du bois et des matériaux biosourcés, afin d’harmoniser les doctrines incendie au niveau national.
- Economique, en lien, notamment, avec le surcoût engendré par la nécessité de convaincre et rassurer, par les problématiques liées à la disponibilité des matériaux et des compétences localement, l’intégration des coûts associés dans le modèle économique du promoteur et de l’aménageur, etc.
La généralisation de la structure bois majoritaire, en particulier sur des moyennes et grandes hauteurs, n’est de fait pas encore une évidence pour l’ensemble des acteurs (promoteurs, maitrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, instructeurs, Services Départementaux d’Incendie et de Secours, etc.). Il s’agit donc maintenant de lever les freins et démontrer que cela est possible.
Dans ce domaine, au sein de l’OIN Bordeaux Euratlantique, nous avons beaucoup progressé ces dernières années. Depuis PERSPECTIVES, 1er immeuble en bois, livré en 2017, puis la tour HYPERION, livrée en 2021 et maintenant sa voisine, SILVA, qui devrait être livrée fin 2024, nous avons défriché un grand nombre de sujets. Nous changeons désormais d’échelle, passant de l’ilot au quartier, à l’image du quartier d’Armagnac, où se situent justement HYPERION et SILVA.
La partie sud de ce quartier, engagée en 2018 et pour lequel l’EPA Bordeaux Euratlantique s’est engagé à produire 150 000 m² de construction majoritaire bois, participe à la démocratisation du bâtiment bois, quelle que soit la programmation : 16 ilots de moyenne hauteur, tous types d’usages, y sont construits ou en cours de réalisation, dont un parking complètement réversible (livré) et un campus d’enseignement supérieur inauguré en mars dernier, le Campus François d’Assise.
Les collectivités sont-elles aujourd’hui parties prenantes dans cette dynamique ?
Oui, de plus en plus. C’est véritablement une dynamique collégiale qui se met en place autour de cette démarche qui contribue à décarboner l’acte de construire et qui réunit l’État, les villes et Bordeaux Métropole autour d’une même volonté d’agir.
C’est fondamental, car il ne s’agit surtout pas de faire cela « contre » mais « avec » : il faut conjuguer la réglementation avec le projet local, croiser volonté politique et savoir-faire technique pour changer les choses. Il faut emmener toute la chaine de valeurs, y mettre les moyens nécessaires et convaincre tous les acteurs y compris l’habitant.
En quoi WOODRISE peut-il accompagner ces réflexions et avancées ?
WOODRISE est un rendez-vous particulièrement novateur, dans sa dimension internationale notamment. Ce congrès est essentiel pour partager les expériences, faire avancer les stratégies et voir, concrètement, ce que la construction bois moyenne et grande hauteur produit dans la fabrique de la ville. Il nous montre que non seulement les prouesses des pionniers sont réplicables, mais également qu’elles ont ouvert la voie.